Rencontres

Riccoboni – Rémi Riccoboni

Le couvreur parisien à l'initiative du projet Paris Sur les Toits

Le spécialiste des toits de Paris depuis 1927

Héritier de l’art ancestral du métier de couvreur, Rémi Riccoboni est depuis 2005 à la tête de l’entreprise familiale, la seule entreprise parisienne de couverture labellisée EPV. Initiateur du projet Paris Sur les Toits, il nous livre sa conception des hauteurs parisiennes, qui constituent sa passion, son métier et son héritage.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours en quelques mots ?

Je suis directement issu d’une lignée de couvreurs, la couverture est en quelque sorte génétique, elle fait partie de moi. Quand j’étais petit j’allais avec mon père sur les chantiers, de telle sorte que depuis toujours je connais ce métier, et les toits de Paris. C’est en regardant travailler les couvreurs, en voyant leurs gestes et les différentes techniques qu’ils mettaient en œuvre que j’ai pu rapidement comprendre le métier.

 

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Dès mon plus jeune âge j’ai donc voulu exercer la profession de couvreur, en rejoignant un apprentissage, mais à l’époque la conseillère d’orientation de mon collège m’avait dit : « Rémi, tu travailles trop bien à l’école pour te lancer directement dans la couverture, passe d’abord ton bac et tu verras ». J’ai donc suivi ce conseil et j’ai effectué un parcours dans le bâtiment à l’école publique de … . Une fois mon brevet technicien court métreur en poche, ayant rempli mes obligations scolaires, j’ai pu partir en apprentissage chez les compagnons pour apprendre le fabuleux métier de couvreur. Pendant 2ans et demi je suis parti faire le Tour de France, et par la suite on m’a conseillé de parfaire ma formation à l’école supérieure de couverture d’Angers, étant donné que j’étais motivé et que j’avais envie d’apprendre. Après 2 années à Angers, j’ai été diplômé de l’école du brevet professionnel de couvreur. Je suis par la suite retourné en région parisienne, où j’ai été directement embauché, non sur les chantiers, mais dans des bureaux pour suivre les chantiers pour le compte d’UTB, entreprise spécialisée en monuments historiques.

 

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Avez-vous toujours voulu reprendre l’entreprise familiale ?

Cela n’était pas forcément inscrit, car l’entreprise familiale devait être reprise par un des chefs d’équipe, employé de longue date. Quant à moi j’occupais des postes de cadre et de responsable dans de grosses structures, j’étais donc plutôt destiné à un parcours dans un groupe. Mais au dernier moment celui qui devait reprendre l’entreprise a eu peur du challenge. Je ne pouvais pas laisser presque un siècle de couverture familiale partir en fumée et mettre la clef sous la porte. C’est là que j’ai démissionné de mon poste pour reprendre l’entreprise familiale.

 

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Votre entreprise est la seule labellisée EPV intra-muros : à quoi Riccoboni doit un tel succès ?

La cause de ce succès est somme toute assez simple à comprendre. Nous faisons notre métier par passion, et la passion est un moteur formidable pour la qualité des ouvrages. Nous sommes devenus EPV, parce qu’on a toujours eu à cœur, mes compagnons et moi, ainsi que les générations antérieures qui nous ont précédés chez Riccoboni, de fournir un travail d’exception. Être fier de ce que l’on fait est une charte morale que nous partageons tous. A partir du moment où l’on est fier de ce que l’on fait, de ce que l’on est et que l’on met du cœur à l’ouvrage, on aboutit nécessairement à des résultats qui sortent de l’ordinaire. La valeur ajoutée de l’entreprise, c’est de soigner chaque détail, même si ces détails semblent être insignifiants, car la somme des détails soignés détermine la qualité de l’ouvrage. C’est pourquoi les architectes, même s’ils ne sont pas spécialisés en couverture ne se trompent pas sur la qualité du travail Riccoboni. Avant tout, nous mettons un point d’honneur à fournir un travail d’une qualité irréprochable.

 

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Vous avez l’habitude de travailler sur des immeubles à la typicité parisienne et sur des chantiers d’exception: comment les appréhendez vous ? Quels sont les challenges auxquels vous êtes confronté ?

Le challenge premier est de respecter l’architecture de chaque toit. Si l’entreprise Riccoboni a une si bonne qualification, c’est parce que l’on a suivi des cours avec des architectes du patrimoine des bâtiments de France. Nous ne sommes pas seulement experts sur le plan technique, nous sommes également sensibilisés aux bâtiments du 19e siècle, à l’architecture parisienne. Notre objectif est de restaurer l’ouvrage à l’identique, tel que les architectes l’avaient pensé à l’époque, c’est vraiment primordial pour nous. Aussi, dès que l’on voit qu’il y a eu des erreurs techniques ou architecturales faites avec des restaurations plus contemporaines, nous les rectifions pour remettre l’ouvrage tel qu’il était à l’époque : cela implique aussi bien le choix des matériaux (on choisit les plus adaptés et les plus nobles) que la méthode de pose : nous maîtrisons des techniques très traditionnelles qui sont des techniques typiquement parisiennes.

 

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Qu’est-ce qui vous plaît le plus en tant que couvreur ?

Ce qui me passionne, c’est d’abord de découvrir la diversité des chantiers. Vous pourriez me rétorquer que nous ne travaillons qu’à Paris ; mais Paris ce sont des quartiers, des rues et des maisons tous extrêmement différents ; même s’ils paraissent semblables, tout immeuble a sa particularité. Avant de commencer la couverture sur un bâtiment, il nous faut comprendre son environnement, savoir dans quel quartier il est situé ; on s’imprègne, et c’est crucial, du ressenti architectural du secteur, mais aussi de la situation géographique du bâtiment pour savoir si la toiture est exposée ou non, afin de choisir le sens de pose, de soigner les détails.

On a la chance, dans le métier de couvreur, de travailler des matériaux différents : on peut travailler du métal, comme du cuivre, du plomb, du zinc, mais aussi de la pierre avec de l’ardoise, de la terre cuite, du bois… c’est formidable d’avoir un métier qui soit aussi varié, autant sur le choix des matériaux, que sur les multiples techniques de pose.

Au-delà de tout ça, ce qui me plaît dans mon métier c’est la rencontre humaine. On est le plus souvent sur des architectures mansardées, donc on va être amené à fréquenter les gens qui vivent sous les toits. Dans ma carrière j’ai vu changer cette population puisque au départ, dans ce qu’on appelle des chambres de bonnes, vivaient des étudiants ou des gens qui avaient peu de moyens. Aujourd’hui on s’aperçoit que les gens fortunés rachètent ces chambres de bonnes pour en faire de sublimes appartements. On est passé de gens très modestes à des gens assez riches. Dernièrement j’ai rencontré une Américaine qui possède un grand et sublime appartement à New York, avec tout le confort moderne ; elle est très contente de son achat d’un logement quelques mètres carrés sous les toits, qui n’a pas un confort incroyable mais une vue imprenable sur Notre Dame de Paris. Car une fois qu’on a monté tous ses étages et qu’on s’installe à la fenêtre devant l’un des plus beaux monuments parisiens qu’est Notre Dame, finalement, on se rend compte que c’est ça le vrai luxe.

 

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Considérez-vous votre métier comme une activité comme une autre ?

Pour moi l’activité de couvreur est complètement différente d’une activité classique du bâtiment. Il faut déjà avoir au moins 10 ans de formation avant de pouvoir commencer quoi que ce soit en couverture, ce qui n’est pas donné à tout le monde. C’est un métier très physique, on est exposé aux intempéries, au vertige… Les équipes sont très soudées, car les couvreurs sont assez indépendants par rapport aux autres corps d’état.

Le fait d’être en hauteur procure un sentiment de liberté qui est incroyable. Les difficultés liées au chaud l’été et au froid l’hiver sont compensées par cet impression de liberté et cet esprit d’équipe qui nous soude beaucoup entre compagnons.

 

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Quelles sont pour vous les qualités nécessaires pour exercer un tel métier ?

On travaille beaucoup avec la géométrie, notamment lorsqu’on fait des tracés de métaux. Il faut avoir une certaine approche géométrique descriptive, ce qui n’est pas donné à tout le monde : soi on l’a soi on l’a pas ! Pouvoir visualiser à partir de feuilles de zinc planes ce qu’elles seront sur les toits, les transcender et les mettre en 3D, c’est la principale difficulté. Un bon couvreur doit pouvoir visualiser la pièce avant de commencer, un peu comme un artiste peintre qui part d’une toile blanche pour représenter un paysage ou un portrait ; je pense qu’il a déjà une idée précise de ce qu’il veut faire, et pour un couvreur c’est la même chose : on a une feuille de zinc de 2m par 65 cm et il faut lui donner vie, il faut lui donner forme. Ça se travaille avec l’expérience : il faut savoir souder, il faut savoir faire un certain nombre de choses, qu’on met une dizaine d’années à apprendre.

 

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Vous effectuez des formations pour former les jeunes au métier de la couverture : quelle place occupe la transmission de ce savoir-faire aujourd’hui pour vous ?

Pour moi elle est essentielle. Aujourd’hui, Riccoboni a encore plus une politique de transmission qu’auparavant, parce que la jeunesse est touchée par ce métier ! L’entreprise a la chance de bénéficier d’un parcours familial de presque un siècle, avec toute la transmission que cela implique. Je me suis toujours investi pour donner de mon temps, afin de former des gens à l’extérieur, notamment des compagnons. Je ne peux pas concevoir des équipes de couvreurs sans apprentis. Pour moi le brassage générationnel est important ; un apprenti c’est beaucoup de temps à consacrer, il ne restera pas forcément ds l’entreprise, mais si on refuse de faire ça, on perd le métier, car on perd cette transmission du geste et de la parole qui est inhérente à notre profession.

Qu’évoquent pour vous les toits de Paris ?

Quand on parle de Paris on parle de sa culture, de sa gastronomie, mais c’est aussi ses toits, qui symbolisent toute la magie parisienne pour le commun des mortels. Les toits donnent une allure unique à la ville qu’on ne voit nulle part ailleurs.

Les toits de paris, c’est aussi et surtout mon quotidien ; malgré mes années d’expérience, je ne m’en lasse jamais, je n’en ai jamais assez de la vue des toitures parisiennes.

 

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Qu’aimez-vous en particulier des toits ?

Ce que j’aime c’est la diversité. Mon plus grand plaisir, c’est d’arriver tôt le matin et voir Paris qui s’éveille. En hiver on peut apercevoir les lumières s’allumer et les cheminées qui dégagent de la fumée ; c’est une ambiance très particulière des matins d’hiver où on contemple la ville qui s’anime peu à peu, les toits encore un peu gelés ou humides, la rosée matinale qui sèche avec le soleil qui se lève… on profite du spectacle de Paris vu de haut, ce qui est absolument magnifique.

 

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Vous êtes à l’origine de Paris Sur les Toits, pourquoi avoir initié un tel projet ?

C’est tout d’abord parce que je suis un passionné des toits, et comme tout passionné, j’essaie de faire partager ma passion, et de la faire comprendre. C’est avant tout pour faire voir aux gens tout le plaisir que j’ai le matin à monter sur un toit et à voir ces panoramas.
Ensuite je considère que de si belles vues de Paris ne devraient pas rester uniquement dans le monde des couvreurs. Paris est, je le pense fermement, une des plus belles villes du monde ; mais contrairement à des villes contemporaines où on peut monter sur des rooftops pour bénéficier de perspectives splendides, Paris propose peu d’endroits pour voir ses hauteurs, et c’est dommage, parce qu’on a sans doute des vues beaucoup plus belles que depuis un rooftop newyorkais !

La plupart gens ignorent la beauté du patrimoine des toits de Paris, et il me tient à cœur de le faire partager. On a des toits magnifiques où l’on propose des services d’hôtellerie, des potagers, même des ruches ! et on se doit de partager cet univers grandiose non seulement entre initiés mais avec tout le monde.

Vous attendiez cette question, n’est-ce pas ?

J’ai parlé avec mon cœur.

 

Infos pratiques

Rémi Riccoboni,

Diplômé de l’Ecole Supérieure de Couverture d’Angers et Maître artisan en couverture et ornementation.

Dirigeant de Riccoboni, Spécialiste des toits de Paris depuis 1927

Site : www.riccoboni.fr