Rencontres

Topager – Nicolas Bel

Des jardins potagers sur les toits parisiens

Faire pousser ses fruits et ses légumes sur son toit parisien, c’est désormais possible avec Topager ! Cette jeune entreprise née il y a tout juste trois ans rencontre un franc succès dans la capitale. Et pour cause : en plus de constituer une niche écologique pour les abeilles, les vers de terre et autres insectes et pollinisateurs, les potagers urbains constituent une véritable chance d’expérimenter une agriculture urbaine responsable. Nicolas Bel, directeur de Topager, nous a raconté son parcours et sa conception des toits convertibles en potagers parisiens.

 

Comment avez-vous lancé le projet avec Agroparistech ?

Avant de me lancer là-dedans j’enseignais l’écoconception, c’est à dire comment faire des plantations écologiques et je m’intéressais vraiment à ce qu’était le biomimétisme, le fait d’innover en imitant des êtres vivants, et en fait du coup je me suis dit que ce serait bien d’avoir un projet en faveur d’un écosystème durable en utilisant les plantes locales et en essayant de recréer des jardins sur les toits avec des vers de terre, des champignons… Avec cette idée je suis allé voir Agroparistech et l’inra pour leur proposer de faire l’expérience de cultiver sur les toits, en utilisant des déchets de la vie, du bois, du composte, du marc de café, et non de la terre. C’est cela qui a lancé le projet.

 

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Le biomimétisme pour les nuls c’est quoi ?

Le biomimétisme est le fait d’imiter la nature, afin d’innover et de changer nos modes de vie pour être plus durable. Il y a beaucoup d’exemples, comme celui des avions dont le bout des ailes imitent les ailes des cigognes qui ont des petites plumes verticales, ce qui permet aux cigognes de garder leur énergie lors de longues migrations et aux avions d’économiser du carburant. Des architectes se sont inspirés des termitières pour faire des systèmes de climatisation qui ne consomment pas d’énergie, il y a plein d’idées tout à fait géniales à tirer de la nature ! C’est pourquoi je me suis passionné pour tout ce qui était stratégie, lorsqu’en imitant la nature on peut créer ; imiter la nature et imiter le vivant, c’est se rendre compte que les écosystèmes qui nous entourent sont l’aboutissement de dizaines de millions d’années d’évolution naturelle qui les a rendus aptes à tenir dans leur environnement, et qu’on peut chercher à les refaire, à s’en inspirer. D’un certain côté cela rejoint le développement durable. Il faut se dire que tout est ressource dans un écosystème : au lieu de considérer les épluchures de cuisine comme des déchets on va les considérer comme des ressources, qu’on va utiliser comme substrats pour le toit.

Le premier pilier de l’écosystème est de tout recycler localement. Le deuxième pilier est d’introduire des vers de terre et des champignons pour recréer de l’humus naturellement afin d’éviter que les nutriments s’en aillent : car sur les toitures se pose un gros problème lié à l’eau de pluie, qui va traverser les épaisseurs de terre et va dissoudre tout ce qui nourrit les plantes, l’azote, le phosphore, le potassium, etc, et les emporter dans les eaux usées. Alors que si on crée de l’humus comme dans la nature, cela va retenir les nutriments, les redonner aux plantes, et les vers de terre qui vont se loger dans cet humus vont aèrer le sol. Le troisième pilier d’innovation est de rendre au mieux toutes les caractéristiques d’un écosystème, sa capacité quand l’eau s’évapore l’été à rendre la végétation verdoyante par exemple.

 

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« En ce moment la politique très volontariste de la ville de Paris me porte à penser qu’on est en train de rattraper notre retard à très grande vitesse »

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Comment vous êtes-vous lancé dans l’agriculture urbaine ?

En fait à la base ce que je voulais faire c’était trier les déchets issus de la ville… comment je pouvais contribuer à leur recyclage. En analysant les déchets, on s’aperçoit que 30% sont des déchets organiques qu’on peut transformer en composte. À l’origine c’est le fait de pouvoir gérer les déchets de la ville m’a amené à l’agriculture urbaine.

À l’origine de Topager il y a eu la rencontre avec Frédéric Mabre, qui est mon associé et un expert des toits ! En effet il travaille dans le domaine des toitures végétalisées. Il a fait une thèse sur la biodiversité sur les toits et les murs en ville, et sa thèse l’a amené à faire des échantillons de plus de 120 toitures, donc il connait énormément de toits végétalisées en France, avec toutes les plantes, les insectes… Nous avons créé Topager, grâce à l’expérience des toits de Frédéric Mabre, et grâce à ma connaissance en développement durable combinée à ma passion pour le jardinage.

 

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Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Pouvez-vous nous parler des potagers urbains à l’étranger ? Sommes-nous plutôt en avance, en retard ?

Nous avons été très inspirés par les expériences faites à New York et à Montréal. On a adoré par exemple le centre Paul Roland qui cultive sur les toits afin de permettre aux personnes âgées isolées de se retrouver. Concrètement en France, au niveau de la taille des modèles économiques pour ce qui est des potagers urbains, on est clairement en retard par rapport à d’autres pays. Mais si on met en avant les capacités d’innovation et les recherches scientifiques menées sur les toits, c’est en France qu’on les a commencées. En ce moment la politique très volontariste de la ville de Paris me porte à penser qu’on est en train de rattraper notre retard à très grande vitesse. Et dans certains domaines comme la recherche on prend de l’avance, par exemple nous sommes les premiers à avoir publié des revues scientifiques à propos de l’agriculture sur les toits.

 

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Paris peut-il devenir un exemple à suivre, en France ou à l’étranger ?

Totalement ! Et d’autant plus que c’est beaucoup plus facile de faire de l’agriculture sur les toits à New york où il y a des énormes surfaces, qu’à Paris où il y a un patrimoine abondant et exigeant avec peu de toitures plates, et des toits moins résistants. Donc les difficultés de paris nous poussent beaucoup plus à innover qu’à New york où le concept est plus facile à appliquer.

 

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Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Il y a des problèmes d’accès, de structures, et des problèmes d’ordre plus humains, c’est à dire des complications au niveau des prises de décision : c’est souvent compliqué dans un immeuble, il y a le propriétaire, les exploitants… dans les copropriétés c’est quasiment impossible de mettre en place un potager sur le toit, car tout changement fait peur !

Où installer vous le plus de potager : sur quels types de toits ? balcon privatif d’un particulier, copropriétés, immeubles de bureaux, institutions – En somme, un particulier peut faire appel à vos services ?

Pour l’instant on a jamais fait de potager sur des toits de copropritées. Donc ce sont surtout des particuliers qui font appel à Topager, dans une cour ou sur un balcon, dans des espaces tout petits. Quand on voit qu’il y des jardins partagés qui se créent, qu’il y a des listes d’attente, que les gens adorent le concept et qu’ils prennent beaucoup de plaisir à venir dans les potagers, on se rend compte qu’il y un vrai sujet derrière, c’est quelque chose qui prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui.

 

 

Quels sont les avantages d’avoir un potager sur son toit ? En quoi les fruits et les légumes des potagers urbains sont-ils différents de ceux qu’on trouve dans le commerce ?

Déjà l’avantage d’un potager sur son toit c’est d’abord de se ressourcer car à Paris on est dans une atmosphère où il n’y a pas d’horizon, on stagne tous les jours dans le canyon des rues, alors que là haut le spectacle des toits est absolument magique. Moi, par exemple, il n’y a que le jardinage qui arrive à m’apaiser. Toutes les découvertes culinaires qu’on peut y faire, manger quelque chose qu’on a semancé, planté, cueilli, tout cela est très gratifiant. De plus il y a des parfums, des goûts qui sont différents que ceux que vous pouvez trouver en grande surface : la saveur d’une tomate à maturité qu’on a fait pousser ne peut pas se comparer avec une tomate de supermarché. En plus s’ajoutent les avantages des services écosystémiques, qui permettent en plus de protéger l’étanchéité du toit.

 

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On voit de nombreuses références prestigieuses parmis vos clients (hotel pullman, galerie lafayette), pensez-vous qu’il s’agit d’un effet de mode ou d’une réelle prise de conscience ?

Je pense qu’il y a les deux en même temps : il y a ceux qui veulent vraiment un potager parce que c’est cohérent avec ce qu’ils pensent et ceux qui suivent plus l’effet de mode.

Pourrait-on imaginer des restaurateurs se fournir exclusivement en fruit et légumes provenant de vos potagers urbains ?

Ça n’aurait pas de sens de se fournir exclusivement à partir des potagers urbains, car cultiver des céréales, des pommes de terre, etc sur les toits, ça serait une autre paire de manche ! ; En fait cultiver des fruits, et des légumes soi-même permet d’éviter l’achat des produits qui ont été transportés, mis en chambre froide…

Y-a-t-il eu un projet sur lequel vous avez particulièrement aimé travailler 

Tous nos projets, on dort pas beaucoup, on est épuisé mais on est ravi de rendre ce service aux entreprises, c’est absolument génial de transformer des espaces, c’est hyper gratifiant, franchement je ne voudrais pas hiérarchiser les projets, ils sont tous passionnants, il y a toujours des gens au départ qui sont assez sceptiques mais en tout cas toute l’équipe est très enthousiaste.

 

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Rendre Paris comestible, est-ce possible ?

Rendre Paris comestible c’est rendre une partie des espaces verts cultivables et des murs comestibles ; en revanche espérer voir Paris autosuffisant est complètement utopique.

Comment abordez-vous les toits de Paris ?

Les toits de Paris c’est avant tout pour moi un potentiel végétalisable immense. Tous les rooftops où on peut se retrouver pour faire la fête sont incroyables, mais pour ma part je les perçois comme potentiellement accueillants de potagers !